Depuis mes récents coups de coeur pour Les lieux sombres et Seul le silence, je m'intéresse de très près aux éditions Sonatine, et je dois bien avouer que leur catalogue est une source de tentation pour moi qui apprécie les thrillers bien sombres. Et on peut dire que cette fois encore, c'est un titre qui a fait mouche, ce pourquoi je les remercie!
L'histoire :
Green River est une prison de très haute sécurité où sont enfermés des hommes qui ont commis des crimes horribles : meurtriers, psychopathes, violeurs. Nombreux sont ceux qui ne reverront jamais l'extérieur, condamnés à finir leur vie dans cet enfer. En effet, la violence est omniprésente : agressions sexuelles, réglements de compte, tortures, haines raciales. Sans oublier les dérives liées à l'alcool ou aux drogues, mais aussi les nombreuses maladies, notamment le sida. Il y a donc fort à faire à l'infirmerie de la prison dans laquelle travaillent deux prisonniers : Coley et Klein, aidés régulièrement par Devlin, une jeune psychiatre que Klein ne laisse pas indifférente.. Ce dernier a été condamné après avoir été accusé de viol par son ex petite-amie et il peut prétendre à une libération conditionnelle. Malheureusement pour lui, à quelques heures de sa libération, une terrible émeute éclate laissant la prison à feu et à sang. Mais Devlin est restée enfermée à l'infirmerie avec les malades, et la rumeur qu'une femme s'y trouve commence à enfler...
Ce roman vous dit peut-être quelque chose puisqu'il a déjà été publié en 1995 sous un autre titre : L'odeur de la haine. Pour ma part, c'était une entière découverte, et quelle découverte! Je n'avais encore jamais lu de roman sur les prisons mais je m'y suis trouvée plongée corps et âme. Tim Willocks nous décrit cet univers avec beaucoup de réalisme mais aussi de manière très crue : le lecteur est plongé dans un univers où dignité et respect n'existent pas : ici, on cotoie la fange, la merde, le sang et le sperme. Ces hommes, pour la plupart n'ont plus rien à perdre, et condamnés pour certains à plus de mille ans de prison, une aggravation de peine ne les effraie pas. Aussi lorsqu'éclate l'émeute, ils sont prêts à tout : détruire la prison, mais aussi faire disparaître les clans rivaux : les noirs, les blancs, les mexicains se vouent une haine sans limites. Hobbes, le directeur de la prison, lui-même complètement fou, leur facilite la tâche. En effet, il refuse toute intervention extérieure, préférant laisser ses prisonniers s'entretuer et attendre que les survivants se rendent d'eux-mêmes épuisés et affamés. L'histoire d'une petite semaine selon lui. Aucun répit n'est donc laissé au lecteur.
Mais là où Tim Willocks réussit un magnifique tour de force, c'est dans la manipulation des sentiments du lecteur. J'ai trouvé terrifiante cette manière de nous faire ressentir de la pitié, voire de l'amitié pour certains de ces hommes qui étaient présentés quelques pages plus haut comme les pires assassins. Je pense notamment à Henry Abott, un meurtrier schizophrène de la pire espèce, qui va aider Klein à rejoindre l'infirmerie en passant par les égoûts de la prison. On se réjouirait presque de le voir se débarrasser de leurs assaillants à coup de marteau. En fait, ce que l'on espère secrètement, c'est que Devlin s'en sorte, et l'on s'aperçoit qu'en pareilles circonstances, la violence nous semble presque acceptable. D'ailleurs Devlin elle-même est prête à tuer pour sauver sa peau.
Bref un thriller passionnant, que j'ai dévoré presque d'une seule traite tant on retient son souffle du début à la fin. Une plongée dans l'enfer des prisons qui fait froid dans le dos et qui a de quoi vous dissuader de commettre un délit. Un livre que je ne peux que vous conseiller, si vous êtes comme moi, passionné du genre!