Je pensais avoir lu tous les Nothomb sortis en poche mais je suis tombée sur Acide sulfurique en flanant sur le stand du Livre de Poche au salon du livre. Je n'ai pas hésité une seconde malgré ma légère déception lors de la lecture des derniers Nothomb. Eh bien, je suis ravie, j'ai retrouvé dans ce livre la verve cynique de l'auteur que j'avais tant appréciée dans ses premiers romans.
L'histoire :
La nouvelle émission de télé-réalité à la mode s'intitule « Concentration ». Pannonique est victime d'une rafle un matin au Jardin des Plantes et rejoint le camp qui est calqué sur les camps de concentration nazis : chaque jour, les plus faibles sont envoyés à la mort. Les autres tavaillent durement avant de rejoindre les baraquements où ils s'entassent. Les prisonniers sont surveillés par les kapos qui n'hésitent pas à les battre violemment, augmentant ainsi l'audience de l'émission. Mais Pannonique qui s'est vu attribué le nom de CKZ 114 n'est pas une prisonnière comme les autres, et le kapo Zdena ne reste pas insensible à son charme.
J'ai adoré ce livre. Il soulève le problème de la télé-réalité et de ses limites en nous montrant une émission poussée à l'extrême : il s'agit de toujours aller plus loin dans la violence et la haine pour conserver l'audimat : « Vint le moment où la souffrance des autres ne leur suffit plus : il leur en fallut le spectacle. » Et il fallait oser reprendre à son compte les camps de concentration... Cela nous interroge sur le spectateur voyeur, que peut-on montrer, jusqu'où peut-on aller? Qui est responsable : celui qui produit l'émission ou ceux qui la regardent et en font le succès?
Je me suis beaucoup attachée au personnage de CKZ 114 qui refuse de se plier aux règles et qui lutte contre la déshumanisation. Et je l'ai trouvée sublime dans son rapport à Zdena : CKZ 114 refuse de céder à ses avances, même contre sa liberté, alors que d'autres seraient prêts à perdre leur vertu pour un morceau de pain...
Un livre magnifique, vraiment, même s'il ne semble pas faire l'unanimité. Peut-être est-ce la comparaison avec les camps de concentration qui dérange? Pour ma part, j'y ai retrouvé Nothomb telle que je l'aime, originale, audacieuse, provocante et inconvenante.
Et une mention spéciale pour la couverture que je trouve magnifique.
« Dire qu'ils sont là, avachis devant leur poste, à savourer notre enfer, en feignant sûrement de s'en indigner! Il n'y en a pas un pour venir concrètement nous sauver, cela va de soi, mais je n'en demande pas tant : il n'y en a pas un pour éteindre son téléviseur ou pour changer de chaîne, j'en mets ma main à couper. »
« Le sommet de l'hypocrisie fut atteint par ceux qui n'avaient pas la télévision, s'invitaient chez leurs voisins pour regarder « Concentration » et s'indignaient :
- Quand je vois ça, je suis content de ne pas avoir la télévision! »