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11 mars 2009 3 11 /03 /mars /2009 19:16
 

Plus jeune, j'ai lu énormément de livres en rapport avec la seconde guerre mondiale, mais je ne me suis jamais vraiment intéressée à la première. Je découvre donc assez tard ce chef-d'oeuvre de Marc Dugain. Et finalement, ce n'est sans doute pas plus mal car je n'aurais sans doute pas connu la même émotion il y a dix ans.

 L'histoire :


Nous sommes en 1914. Adrien, jeune officier part prendre ses quartiers dans la Meuse. Lors de sa correspondance à la gare de l'Est, il rencontre Clémence venue accompagner celui qui doit devenir son mari après la guerre. Ils passent une nuit ensemble mais Adrien doit partir. Seulement Adrien ne connaîtra pas la guerre des tranchées : dès les premiers jours, alors qu'on l'a envoyé en reconnaissance, il est très grièvement blessé au visage par un éclat d'obus. Lorsqu'il reprend connaissance, c'est le choc et le verdict est sans appel : «  Béance totale des parties situées du sommet du menton jusqu'à la moitié du nez, avec destruction totale du maxillaire supérieur et du palais, décloisonnant l'espace entre la bouche et les sinus. Destruction partielle de la langue. Apparition des organes de l'arrière-gorge qui ne sont plus protégés. » Adrien est défiguré et ne retrouvera jamais ce visage d'ange qui avait tant séduit Clémence. On le transfère alors au Val-de-Grâce, dans une chambre réservée aux officiers blessés au visage, chambre dans laquelle tous les miroirs ont été ôtés. Adrien raconte alors les cinq annés qu'il a passé là-bas : les opérations, les visites des proches des blessés qui ne reconnaissent pas leur frère, leur ami ou leur mari, mais aussi les merveilleuses amitiés qui se nouent avec ses compagnons d'infortune...


Je vais avoir du mal à trouver les mots pour qualifier cette lecture tant elle m'a émue et tant j'en suis encore bouleversée.. Perdre son visage, quoi de plus terrible pour un être humain? On vit chacune des étapes avec Adrien, qui est le narrateur : le réveil et la découverte de sa blessure, les différentes opérations pour tenter de reconstruire ce visage à jamais disparu, les lettres rassurantes à ses proches pour prévenir toute visite...jusqu'à sa sortie cinq ans plus tard, moment où il faut affronter le regard des autres et on s'attache énormément à lui. J'ai vraiment eu l'impression de souffrir avec lui, même si la douleur ressentie par ceux qu'on a appelés les « Gueules cassées » reste inimaginable. Penser à tous ces hommes qui ont payé de leur chair pour défendre leur patrie impose le respect. Et même si ce livre est une fiction, des Adrien, il y en a eu des milliers. Et Marc Dugain a un tel talent qu'à aucun moment, on ne pense qu'il s'agit d'une fiction, tout est si réaliste, c'est comme si on pouvait voir Adrien. Voilà une lecture que je ne suis pas prête d'oublier...


Quelques extraits :


« Je comprends pourquoi notre salle se remplit si lentement, pourquoi nous sommes au dernier étage. Dans cette grande salle sans glaces, chacun d'entre nous devient le miroir des autres. »


« La médecine avance, elle fait des pas de géant. D'ici la fin de la guerre, on refera des faces à neuf, comme si rien n'était arrivé. De la destruction massive pour élever le niveau de la connaissance, c'est paradoxal, non? »


« Cette femme préoccupait chacun d'entre nous plus que nous ne le laissions paraître aux autres. Nous faisions cette guerre pour nos femmes et nos enfants, et cette présence féminine à nos côtés, éveillait en nous un double sentiment négatif – échec par rapport à notre mission, et d'impuissance à châtier l'ennemi qui nous avait entraîné dans cette guerre. »

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