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Mes chroniques de lectures, en toute simplicité.

Nous étions les Mulvaney, Joyce Carol Oates

 

C'est de nouveau dans le cadre d'une lecture commune que j'ai découvert ce livre. Place cette fois à la littérature américaine et à un auteur que j'ai lu avec grand plaisir! Pour tout vous dire, j'ai déjà fait l'acquisition d'un autre titre...



 

L'histoire :

« Une maison de conte de fées », tel est le titre du tout premier chapitre qui donne le ton. Les Mulvaney sont une famille unie, ils vivent dans une grande ferme et cohabitent joyeusement avec chats, chiens, chevaux... Le père Mickaël tient une entreprise de couverture à Mont-Ephraïm, la mère Corinne a ouvert une modeste boutique d'antiquités dans l'une des granges de la propriété afin de s'adonner à sa passion. De leur amour sont nés quatre enfants : Mickaël Junior et Patrick, les deux ainés, Marianne leur unique fille et Judd, le petit dernier qui est également le narrateur de cette histoire. Un véritable conte de fées... Jusqu'à ce bal de la Saint-Valentin 1976, où un terrible événement se produit, événement appelé ça puisque les membres de la famille ont bien du mal à mettre un nom dessus. On assiste alors à une véritable descente aux enfers de la famille Mulvaney...



J'ai eu un peu de mal à entrer dans les premiers chapitres, le narrateur ayant soin de décrire avec beaucoup de détails le cadre de l'histoire. Mais une fois l'intrigue nouée, je ne l'ai plus lâché. D'autant que l'événement dont il est question n'est clairement nommé que bien plus tard. On le devine certes aisément, mais on a envie d'en savoir plus... J'ai trouvé très touchante la manière dont sont décrites les relations entre les différents membres de cette famille, notamment la relation qui unit ( ou devrais-je dire désunit? ) Marianne à son père. Mais aussi l'importance du regard des autres, la façon dont petit à petit, la famille est exclue du cercle social. Nous sommes dans un village, tout se sait... Je me suis beaucoup attachée au personnage de Marianne, j'ai admiré son courage et sa force de caractère malgré le sacrifice dont elle est l'objet : ne surtout pas montrer que l'on souffre afin de ne pas faire souffrir les autres membres de la famille. Finalement, chacun souffre dans son coin et la famille si solidaire éclate peu à peu...

J'ai également beaucoup aimé le rôle des animaux dans cette histoire, notamment le chat Muffin qui accompagne toujours Marianne, le seul qui lui restera fidèle jusqu'au bout. Certains passages m'ont beaucoup émue, probablement parce que j'ai un amour incommensurable pour la gente féline...


J'ai quand même noté un petit bémol dans la façon dont la narration est menée : Judd se présente dans le premier chapitre comme le narrateur de cette histoire, mais ensuite, il est très souvent complètement effacé : plusieurs chapitres se succèdent avec une narration à la troisième personne. J'ai même parfois noté certaines incohérences, Judd étant lui-même évoqué à la troisième personne. J'ai trouvé cela assez maladroit finalement, puisque les personnages ne s'épanchent pas vraiment, ne se confient pas aux autres membres de la famille, et surtout pas à Judd, le petit dernier, bien trop jeune pour être mis au courant. Pourtant, on a clairement accès aux sentiments de chacun.


Quelques extraits :


« Elle savait de quoi les adolescents étaient capables... combien ils pouvaient se montrer cruels, grossiers, moqueurs, envers ceux qu'ils sentaient faibles ou différents. Oui, et les filles aussi! La cruauté du poulailler, où les poulets s'acharnent à coups de bec, sans pitié, sur un congénère malade, jusqu'à la chair vive, jusqu'au sang. »


« Il lui semblait qu'elle ne pouvait le serrer assez fort, le protéger assez ; elle aurait voulu l'envelopper de son corps, comme un petit enfant, un nourrisson, pouvoir le faire entrer en elle, apaiser la terrible agitation de ses pensées. »


« Les familles sont comme ça, parfois. Quelque chose se détraque et personne ne sait quoi faire. Et les années passent... et personne ne sait quoi faire. »


Et je ne résiste pas :

« Elle serrait le chat maigre contre elle et pressait la joue contre son pelage doux pour que son ronronnement sonore pénètre son être, berce ses nerfs et les apaise. Au bout de quelques secondes, elle dormait profondément et sans rêves. »

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H
Merci. Je suis très touchée !<br /> <br /> Pimprenelle, je partage ton opinion sur l'absence de communication entre les personnages qui rend improbable l'idée de révélations qui auraient été faites à Judd au moment des faits. Cela dit, le narrateur raconte avec le recul des années. On voit bien avec la fin heureuse que les personnages vont se réconcilier, peut-être renouer des liens et donc se faire des confidences sur des ressentis ou des moments vécus par les uns ou les autres dans le passé. Il y a une sorte d'ellipse entre la fin du livre et le moment où le narrateur raconte son histoire. Elle est suggérée d'ailleurs dans ce passage : "Ceux qui ont vécu ensemble dans l'atmosphère passionnée de la vie familiale se connaissent à peine. La vie y est trop immédiate, en gros plan. C'est le pardoxe. Le côté déroutant. Exactement le contraire de ce à quoi l'on s'attendrait. Car bien sûr on ne pense jamais à ces relations quand on les vit. Penser - réfléchir - suppose une dissociation, de la distance. La mémoire ne peut s'exercer qu'une fois éloignée de sa source." (page 305) Pour moi, le narrateur a mené son enquête et nous livre une reconstitution, avec ses failles -dues à la mémoire parfois défaillante et à la subjectivité de chacun. Je pense que l'auteure a voulu créer un narrateur qui s'efface parfois derrière les faits ou derrière le vécu d'autres personnages pour mieux souligner le caractère objectif de ce travail de reconstitution de son histoire familiale (par définition subjective). L'écueil qu'elle n'a pas pu/su éviter avec ce procédé c'est qu'il entraine des lourdeurs gênantes pour le lecteur.
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N
très intéressant, Heide !
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P
<br /> En effet, j'ai beaucoup les analyses de Heide ;)<br /> <br /> <br />
H
Pour les changements de narration, est-ce que ça ne peut pas être un effet volontaire de mise à distance du narrateur adulte par rapport à ces événements douloureux qui ont brisé sa famille et gâché son enfance ? Comme pour signifier le recul lié à la maturité ? Cela dit, ce n'est pas valable pour les chapitres entièrement rédigés à la 3e personne, mais seulement pour les changements de narrateur dans la même page voire le même paragraphe.<br /> <br /> Pour ma part, je peux dire que j'ai aimé ce livre maintenant que je l'ai fini car j'en comprends désormais toutes les subtilités. Comme nuxka, j'ai parfois eu l'impression d'attendre quelque chose qui n'est finalement pas venu. Mais, l'analyse psychologique et les liens qui unissent les personnages font tout l'intérêt de ce roman. Je veux dire que ce n'est pas les actions et leur enchainement qui comptent. Elles manquent d'ailleurs de cohérence je trouve, notamment la vengeance de Patrick dont l'issue "rocambolesque"est vraiment peu crédible. De même, le "happy end" de l'épilogue. En fait, l'événement déclencheur, ce "ça" qui arrive à Marianne n'a pas de valeur en soi. Il ne sert que de déclencheur au déclin progressif de cette famille en apparence idéale. Le malentendu est là peut-être : je pensais que cet événement allait demeurer au cœur de l'intrigue par la tenue d'un procès, par exemple.
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P
<br /> <br /> Concernant la narration, je ne suis pas convaincue... Il reste malgré tout des incohérences. Par exemple, on a parfois accès aux sentiments du père, à ce qu'il ressent alors que tout au long du<br /> livre, il ne cesse d'être replié sur lui-même, il s'enferme dans l'alcoolisme et communique très peu avec sa famille. D'ailleurs, il s'éloigne aussi d'eux physiquement à la fin jusqu'à sa mort.<br /> Donc, je ne vois pas à quel moment, il aurait pu se confier à Judd, lui donner tous ces détails... De même pour les autres personnages, ils ne sont pas très enclins à communiquer.<br /> <br /> <br /> Quant aux actions, en effet, si on en attendait, on ne peut être que déçu, c'est plutôt une longue analyse des relations entre les différents membres de la famille et la manière dont elles se<br /> délitent. Ca manque de rebondissements et ceux qui nous sont offerts sont en effet peu crédibles : j'ai été moi aussi déçue par la vengeance de Patrick et j'aurais aimé qu'il aille jusqu'au bout.<br /> Qu'on ait au moins le sentiment que justice ait été faite. C'est sans doute ce qui manque le plus dans ce roman....<br /> <br /> <br /> <br />
N
Lecture finie ! et pour ma part, je n'ai pas aimé ! Cette narration multiple m'a dérangé aussi, et j'ai eu l'impression d'attendre quelque chose qui n'est jamais arrivé. je serais peut-être restée sur une autre impression si la fin avait été différente.<br /> C'est bien écrit, mais je reste frustrée.
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P
<br /> Oui, la fin est assez décevante par son côté "happy end" cependant mitigée... A mon avis, l'épilogue est en trop. Le livre aurait très bien pu s'arrêter juste avant...<br /> Quant à la narration, je m'interroge toujours, surtout que j'ai retrouvé ce "défaut" dans Viol, une histoire d'amour.<br /> <br /> <br />
L
J'ai adoré deux livres lus à peu près lorsque j'ai ouvert mon blog il y un peu plus de deux ans... depuis j'ai stocké environ 5 titres d'Oates sans jamais les lire, alors que je ne cesse de me dire que c'est un auteur incroyable que je dois impérativement lire !! :)
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P
<br /> Eh bien moi, je n'ai pas résisté, j'en ai lu un deuxième ( plus court ) que j'ai fini hier. L'article sera en ligne sur le blog demain ;)<br /> <br /> <br />